Bleu outremer
extrait du livre « Petite philosophie de la mer » de Laurence Devillairs
“Le bleu outre-mer,
la mer n’est pas un paysage,
c’est une apparition.
On en fait pas le tour, on peut difficilement en décrire l’aspect et les contours.
Elle ne s’explore pas vraiment, elle s’impose, insondable, impénétrable.
Cette chair bleu indomptable n’est en réalité… pas bleue du tout.
C’est de l’eau et rien que de l’eau ; elle est aussi transparente que celle que l’on verse dans un verre.
Ce sont nos yeux qui n’y voit que du bleu.
Un phénomène optique et non océanique.
On dit parfois que le bleu de la mer est en réalité celui du ciel, qu’elle reflèterait comme un miroir, dans un face à face ou l’un et l’autre rivaliserait d’infini.
Bleu céruléen, azur clair …la mer est comme un ciel ondulant.
Par mauvais temps quand les nuages se tiennent de gris, la mer se part du bleu horizon.
…Comment expliquer que la mer qui se réfugie dans les grottes, là où le ciel n’entre pas, soit quand même de couleur bleue?
Parce que ce qui lui donne en réalité cette tonalité, c’est le soleil.
Sa lumière contient tout le spectre de l’arc-en-ciel.
Mais les flots réfléchissent différemment ces teintes :
ils absorbent les grandes ondes, c’est-à-dire le rouge, le jaune et l’orange; puis c’est le vert qui disparaît. Ne reste que le bleu.
…
La mer bluffe:
Elle fait du bleu ou du vert avec du blanc, et l’on n’y voit que du feu.
Elle se rehausse de sa chimie, se transforme.
Elle se joue de la lumière du soleil, se magnifie.
Pourquoi ne serions-nous pas, nous aussi, des artistes de notre vie ?
Pourquoi ne chercherions-nous pas à en aviver la lumière, à en sublimer les couleurs?
Pour quelle raison ce contenterait-on du monochrome?
Et si l’on irisait le gris?
La vie, cela s’embellit.
Exister ne suffit pas: il nous revient de l’enrichir, de mettre de la beauté là où il n’y en a pas- ou pas toujours.
On peut faire un paquet-cadeau d’un petit rien, sauver sa journée avec une nouvelle chose apprise, une idée joliment trouvée, un détail qui vaut le coup d’oeil aperçu sur le chemin du bureau, un mot jamais entendu et retenu…
Il y a toute une palette insoupçonnée de teintes à apporter.
Donner du bleu à la vie: ne pas uniquement la dérouler, mais la pimenter.
Un rien peut tout changer; c’est apporter de la couleur dans le monotone, du Pantone dans l’agenda.
Poétiser l’ordinaire….
Parcourir les journées en touriste, avides de beautés volées, d’instants rayonnants.
Utopique ? Naïf?
Le bleu dont on aurait tendance à peindre nos journées, aurait en effet plutôt des allures de blues, de vague à l’âme.
Difficile de faire de la poésie avec les tracas, d’inventer de la magie avec les lundis de la vie.
Difficile, oui.
Mais il ne s’agit pas de tout ripoliner: le bleu des plaisirs peut retenir quelque chose de sombre des peines.
On peut retrouver la saveur du bonheur tout en gardant la mémoire du chagrin traversé.
Le plus beau des bleus n’est-il pas l’outre-mer, ce bleu profond, comme passer par le noir, et qui en conserve la gravité, comme une blessure secrète?
Voir la vie en bleu, ce n’est pas s’illusionner.
S’épuiser dans le goût de vivre de quoi illuminer les journées grises.
La mer nous enseigne cet art des embellissements, elle est un refus de ce qui est neutre ou éteint.
Elle n’est jamais sans couleur, jamais sans éclat.
Elle absorbe la lumière pour la transformer.
Comme l’alchimiste s’efforce de convertir le plomb en or, comme les flots transfigurent le blanc en bleu, nous pouvons tenter de colorer nos jours.
…
La capacité à renvoyer la lumière, à la voir et à la préserver même dans la plus abîmée des journées, doit aussi faire avec ces pollutions.
Tout le bleu que l’on peut avoir en soi n’en viendra pas à bout, mais on peut choisir d’accorder sa pleine attention à certaines lueurs plutôt qu’a d’autres.
On peut refuser de se laisser gâcher par la laideur et préférer donner sa chance à la beauté, donner de la couleur à nos vies.”
Et vous ce serait comment votre VIE en bleu outremer ?
A l’origine, l’outremer fut extrait de la pierre semi-précieuse le Lapis Lazuli, traduit littéralement par « pierre » (Latin) et « bleu » (Persan). C’est un procédé coûteux, qui demandait beaucoup de travail. Les pierres étaient broyées à la main et les impuretés y étaient enlevées. La meilleure qualité de Lapis Lazuli fut, longtemps, creusée en Afghanistan où l’outremer était déjà utilisé dans les peintures murales du 6e et 7e siècle.
Le bleu outremer a été utilisé depuis l’Antiquité, notamment par les Égyptiens, qui l’utilisaient dans leurs peintures murales et leurs bijoux.
Au Moyen Âge, il est devenu populaire dans l’art religieux, souvent utilisé pour représenter le ciel et la divinité.
Les artistes l’utilisaient pour peindre des vêtements de la Vierge Marie, symbolisant la pureté et la spiritualité.
Les maîtres de la Renaissance, comme Raphaël et Titien, ont également utilisé le bleu outremer dans leurs œuvres, renforçant ainsi son prestige.
Mais voici un lien fantastique pour en découvrir beaucoup plus…
“Infiniment bleu | Histoires d’une couleur | ARTE”
Quelques artistes célèbres
Giotto di Bondone (1267-1337) : Considéré comme l’un des précurseurs de la Renaissance, Giotto a utilisé le bleu outremer dans ses fresques pour créer des cieux vibrants et des atmosphères spirituelles.
Raphaël (1483-1520) : Dans ses œuvres religieuses, il a souvent utilisé le bleu outremer pour représenter les vêtements de la Vierge Marie, soulignant sa pureté et sa sainteté.
Vincent van Gogh (1853-1890) : Van Gogh a intégré le bleu outremer dans de nombreuses œuvres, notamment dans ses ciels étoilés et ses paysages nocturnes, créant des contrastes saisissants et des émotions profondes.
Henri Matisse (1869-1954) : Matisse, membre du mouvement fauviste, a utilisé le bleu outremer de manière audacieuse dans ses peintures, jouant avec la couleur pour exprimer des sentiments et des sensations.
Yves Klein (1928-1962) : Cet artiste français a créé sa propre teinte de bleu, connue sous le nom de “International Klein Blue” (IKB), qui est un bleu outremer pur. Il a utilisé cette couleur dans ses œuvres pour évoquer des concepts de spiritualité et d’immatérialité.
Le bleu outremer n’est pas seulement une couleur ; c’est une porte d’entrée vers des explorations émotionnelles, vibratoires et spirituelles.
En intégrant ces dimensions dans nos pratiques créatives, nous avons la possibilité de plonger plus profondément dans notre expérience créative, de nous connecter à nos émotions et à explorer la spiritualité à travers l’art thérapie.